Les laines locales françaises sont généralement feutrées, pour réaliser des tissus denses et robustes. J’ai décidé de faire tisser ma laine sans la feutrer. Le tissu obtenu, en sergé, est non seulement plus écologique car il ne nécessite pas de vapeur d’eau, mais aussi plus lisse.
Un nouveau-né de la race Mérinos
Couturier par conviction
Je suis ingénieur agronome et couturier.
La laine de mouton est à mon avis autant un héritage culturel qu'une merveille de la nature, et c'est pour cela que je souhaite lui redonner la valeur qu'elle a eu dans notre société. Ma laine provient de petites bergerie tradionnelles de la chaîne alpine.
Parmi ces éleveurs, la famille Sehner dans le Tirol a décidé de croiser ses mérinos avec une race finlandaise à courte queue. Le berger n'a ainsi plus besoin de couper la queue des nouveaux nés comme cela se fait sur la plupart des bergeries pour des raisons d'hygiène. Pour moi ce troupeau est ainsi devenu une source de laine éthique aux qualités exceptionnelles. Le mouton finlandais est en effet beaucoup plus proche du mouton sauvage que la plupart des autres races. Sa laine a conservé des qualités de résistance au temps : les fibres laisse la pluie s'écouler plus facilement et résistent plus longtemps aux frottements.
La laine est ensuite filée et tissée en Bavière puis je taille le tissu sur mesure. Vous pouvez vous procurer votre propre veste ou blazer par courriel à info@laurentmoussier.com et ainsi participer à la pérennisation de petites bergeries et d'une production textile durable.
... et le derrière avec la queue courte, de naissance. Le troupeau de Herbert Sehner.
Tondeurs de moutons en bleu : l'intensité de la teinture traduit le statut social relativement élevé. XIVème - XVème siècle.
L'origine
Le mérinos tient l'origine de son nom de la dynastie berbère Mérinide, qui a exporté ses moutons vers l'Espagne. L'exportation du mérinos en dehors du royaume d'Espagne, notamment vers le royaume de France, a été longtemps interdit sous peine de mort à cause de la haute valeur marchande de se laine. C'est seulement à partir du 18ème siècle que les alliances royales ont permis les premières importations dans la bergerie de Rembouillet.
L’élevage des moutons a connu plusieurs grandes crises en particulier chez les éleveurs de mérinos. Au départ ils élevaient plutôt des béliers, pour la laine. Puis, vers 1850, cette industrie de la laine a pris de plein fouet l’entrée du Commonwealth sur ce marché ; l’élevage ovin s’est donc effondré. Certains ont réussi à s’adapter en réorientant l’élevage vers la brebis allaitante en produisant des agneaux. Sauf que ce type d’élevage demande d’autres structures d’hébergement, des bergeries, des endroits dédiés à l’agnelage, l’agneau étant une bête bien plus fragile que le bélier.
A l’époque, il y avait peu de prédateurs, cela posait peu de problème. Jusque dans les années 80, ce système a plutôt bien fonctionné, mais en 1985, la France va devoir ouvrir ses frontières à des agneaux de l’extérieur. Conséquence : le prix de la viande française s’écroule. Les éleveurs essaient de relever la tête et quand ils y sont plus ou moins parvenus, le loup arrive. De 30 millions de têtes en 1890 à 6,5 millions aujourd’hu, l’érosion de l’élevage ovin continue, notamment par le manque de remplacements des anciens qui partent à la retraite par des jeunes.
De nos jours le revenu de la laine ne couvre même pas le coût de la tonte. Les bergers qui pratiquent la transhumance recoivent par contre des aides de l'Union Européenne. Par contre l'entretien des paysages est soutenu par la communauté car il participe au maintien de la diversité. La végétation spontanée des prairies pâturées est en effet une source de biodiversité supérieur à celle des jachères ou des sols forestiers.
Tondeurs de moutons en bleu : l'intensité de la teinture traduit le statut social relativement élevé. XIVème - XVème siècle.
La laine de mes vestes, peignée
Éleveur de béliers mérinos en 1936
Atelier de tisserand au 17ème siècle
Ma contribution
J'achète la laine de troupeau de petite et moyenne taille pour être certain que les animaux se sentent bien et aient suffisamment de place. L'éleveur peut ainsi s'assurer que la laine reste propre et que les moutons puissent accéder à de l'herbe fraiche en continu. Lorsque le troupeau est en bonne santé et que leur toison est de bonne qualité, le tisserand peut tirer des trames serrées et le tissu n'aura pas besoin d'être foulé (contrairement aux tissus de qualité grossière autrefois appelés Loden -littéralement "rude" en allemand). Avant la révolution industrielle de nombreux tisserands possèdaient leurs propre moutons afin de mieux pouvoir contrôler la qualité de la matière première et de tisser plus vite et mieux.
Ma laine est cardée, filée, tressée, tissée et teinte en Sachse et en Bavière afin de limiter les trajets. Vous pouvez voir une partie du procédé en film :
De la tonte au tissu
Et sur ce document vous trouverez des images des différentes étapes (légendes en allemand):